La différence entre la
nouvelle et le roman
La nouvelle et le roman sont deux
« genres de composition littéraire » de fiction.
Fantastique, réalisme, noir,
érotisme, science-fiction, gothique, policier… Il n’est pas de genre littéraire
que la nouvelle et le roman n’aient exploité ou qui constitue le pré carré de
l’un ou l’autre de ces deux « genres de composition ».
Etymologie et
traductions
La nouvelle :
Le mot « nouvelle » est intégré
dans la langue française au XIe siècle pour désigner une information récente.
Il faut attendre le XVe siècle pour qu’apparaisse l’acception du terme
définissant le genre littéraire que nous connaissons aujourd’hui. Provenant de
l’Italien « novella », signifiant « information », il désignait alors des
racontars, des histoires de la vie quotidienne en ville ou à la campagne, dont
le caractère drôle ou instructif leur valait d’être colportées. Le genre
recouvert par ce terme a peu à peu évolué vers les récits de fiction.
Histoire de la Nouvelle
Naissance du genre
Le terme "nouvelle" a
fait son apparition au XIe siècle (cf. La différence entre le roman et la
nouvelle). C'est donc logiquement à cette période que cette forme littéraire
voit le jour même si certains écrits antérieurs à cette période relèvent du
genre. Parmi eux, les récits de la mythologie scandinave, les récits bibliques
comme Caïn et Abel, Le Fils prodigue ou encore Les Contes de Canterbury, écrits
en vers par le Londonien Geoffrey Chaucer (1343-1400).
Le Décaméron de Boccace marque la
naissance officielle de la nouvelle. C’est un recueil de cent courts récits
écrit entre 1349 et 1353 en langue italienne, et non en latin comme il était
plus courant à l'époque. Ces nouvelles relatent les dix journées passées à la
campagne par un groupe de dix jeunes gens fuyant l’épidémie de peste noire qui
se propage à Florence. Elles forment une galerie de portraits qui en disent
long sur les mœurs de l'époque.
En 1558, Marguerite de Navarre
s’essaie au genre avec l’Heptaméron, un recueil inachevé de 72 nouvelles qui se
déroulent sur sept journées et mettent elles aussi en scène des protagonistes
type de la société. En 1613, Cervantès publie ses douze Nouvelles exemplaires ;
exemplaires car elles constituent le premier exemple castillan de ce type de littérature
jusque-là d’inspiration italienne. Les nouvelles de Cervantès s’apparentent à
celles que nous connaissons aujourd’hui et marquent le début de la
popularisation du genre.
Une longue évolution
Au XVIIe siècle en France, Jean
de Lafontaine publie Amours de Psyché et de Cupidon (1669) qu’il qualifie d’un
« genre littéraire intermédiaire, un récit poétique ». Dans le même temps, les
contes entrent dans les mœurs et notamment les contes de fées, très en vogue
chez les adultes des milieux bourgeois. En 1697, Charles Perrault écrit les
Contes de ma mère l’Oye, pour les enfants.
Le siècle des lumières voit
apparaître le « conte philosophique », genre narratif qui emprunte au conte
pour transmettre des idées à portée philosophique sans risquer la censure.
Abstraction, fiction, recours à
l’imaginaire deviennent des éléments essentiels pour critiquer la société et le
pouvoir (mœurs de vie mondaine ou rurale, pouvoir politique, arts, intolérance
religieuse). Le recours à ce genre sous-entend de nombreuses simplifications :
brièveté, densité de l’intrigue, économie de détails (description ou profondeur
psychologique des personnages) sont de mise.
Parallèlement, cette période la
nouvelle se développer en Grande-Bretagne, avec l’engouement des Anglo-Saxons
pour les contes orientaux et pour la littérature gothique et ses « ghost
stories ».
A la fin du XVIIIe siècle, la «
Novelle » allemande s’impose genre littéraire, notamment grâce à E.T.A.
Hoffmann et Heinrich von Kleist. A l’aube du XIXe siècle, la nouvelle a beaucoup
évolué, se nourrissant des genres dans lesquels elle s’est développée, comme le
gothique et plus généralement tout se qui touche au fantastique et au
surnaturel. Le Britannique Sir Walter Scott (1771-1832) et l’Américain
Washington Irving (1783-1859) ont, au tournant du siècle, une influence
considérable.
Essor de la nouvelle :
On s’accorde à considérer le XIXe
siècle comme l’âge de l’essor de la nouvelle. La forme prévaut alors dans la
littérature fantastique et gothique anglo-saxonne. En France, elle est
popularisée par des auteurs réalistes comme Honoré de Balzac, Gustave Flaubert
ou Victor Hugo alors que d’autres comme Alphonse Daudet Prosper Mérimée ou Guy
de Maupassant se sont tout bonnement spécialisés dans le genre avec la volonté
d’explorer et de développer ce nouveau genre littéraire. Maupassant en devient
l’un des maîtres incontestés.
En Allemagne, la « Novelle » est
d’abord conjuguée au romantisme et au fantastique avant d’être exploitée par
les auteurs réalistes comme Theodor Storm ou Adalbert Stifter.
La nouvelle est aussi
majoritairement réaliste en Russie, où Alex Pushkin, Nicolas Gogol, Léon
Tolstoy ou Anton Tchekov l’ennoblissent et l’amènent à un niveau d’excellence
littéraire. Outre-atlantique, Nathaniel Hawthorne (1804-1864) participe, à
travers l’écriture de nouvelles, à l’émancipation de la littérature américaine.
Edgar Allan Poe (1809-1849)
développe et intronise le genre, il exploite à travers lui le fantastique, le
gothique, le policier ou encore la science-fiction.
Avec la popularisation et l’essor
de la nouvelle, la théorie et les études apparaissent. Le développement de la «
Novelle » allemande inspire de nombreux théoriciens et penseurs, dont Johann
Wolfgang von Goethe et Edgar Allan Poe qui énonce les préceptes de la nouvelle
en 1842 à l’occasion d’une critique d’un recueil de Nathaniel Hawthorne.
La fin du XIXe siècle voit
s’illustrer à travers la nouvelle des auteurs comme Conrad, Stevenson, Kipling
ou encore Saki. A cette période, la nouvelle est un genre établi, populaire et
il n’est pratiquement aucun genre littéraire qu’elle n’ait investi.
A l’aube du XXe siècle, le
Slovène Ivan Cankar et le Tchèque Franz Kafka publient tous deux des œuvres
importantes pour le genre. Cankar produit des textes originaux et variés allant
de critiques sociales aux contes psychologiques ou symboliques alors que Kafka,
avec sa vision énigmatique, cauchemardesque, écrira près de 80 nouvelles très
diverses en styles, calibres (certaines en comptent que 100 mots), thèmes et
techniques. On retient surtout La Métamorphose et La Colonie pénitentiaire.
Cankar et Kafka ont à leur tour élargi les possibilités de la nouvelle.
En 1914, James Joyce publie Gens
de Dublin, recueil phare de 15 nouvelles décrivant la classe moyenne dublinoise
et à travers elle la société irlandaise, avec une lucidité sans précédent.
Cette critique des mœurs et de la société restera l’empreinte de bon nombre de
nouvellistes anglo-saxons du XXe siècle comme Ernest Hemingway, John Cheever ou
John Steinbeck.
En France, bien qu’en perte de
popularité au cours du XXe siècle, la nouvelle reste un genre prisé. Citons,
parmi les grands contributeurs français du siècle, Jean-Paul Sartre avec le
recueil Le Mur (1939), Marcel Aymé avec Le Passe-Muraille, publié en 1943 ou
encore Albert Camus avec L’Exil et le royaume (1957).
Du fait de son intensité et de sa
brièveté, la nouvelle se prête aux modes de lecture actuels : on la lit dans le
train, dans le métro ou à la plage. Même contemplative, elle nécessite une
écriture efficace, économe en descriptions et une entrée en matière rapide.
C’est aussi pour ces raisons qu’elle reste une forme littéraire prisée par les
journaux et les magazines pour des parutions spéciales type « suppléments ».
Beaucoup d’auteurs contemporains sont sollicités pour écrire des textes courts
destinés à être publiés dans la presse mais beaucoup aussi, s’adonnent
spontanément au genre, de façon ponctuelle comme Anne-Marie Garat ou
Marie-Hélène Lafon ou pour en faire une spécialité comme Hervé Le Tellier, Marc
Villard ou Annie Saumont.
Le roman :
Le mot « roman » est quant à lui
apparu au milieu du XIIe siècle, il fait allusion à la langue dans laquelle
étaient rédigées ces pièces littéraires. Désignant tout d’abord des « récits en
vers français (en roman), puis en prose, contant des aventures fabuleuses ou
merveilleuses, les amours de héros imaginaires ou idéalisés », il désigne,
depuis le XVIe siècle une « œuvre d’imagination en prose, assez longue, qui
présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, fait
connaître leur psychologie, leur destin, leurs aventures ». (Le Petit Robert)
La langue française a donc fini
par employer le mot « nouvelle » pour désigner les récits de fiction courts et
le mot « roman » pour évoquer les récits plus longs, ce qui n’est pas le cas de
toutes les langues, même celles d’origine latine, romane. En effet, si les
Italiens parlent de « racconto brève » ou « novella » pour désigner la nouvelle
et de « romanzo » pour désigner les romans, les hispanophones quant à eux emploient
le mot « novela » pour le roman et décrivent leurs nouvelles comme des
histoires courtes (« relatos cortos »), ce qui est également le cas des
anglophones avec « novel » (roman) et « short story » (nouvelle).
Ref : lire des nouvelles
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